“Ma m*rde chelou”

Posted By Svet Mori le 20 avril 2021

Au début, je voulais juste parler un peu de mon projet en cours. Encore un nouveau. Sauf que celui-ci n’a rien en commun avec les précédents. Pour moi, c’est un peu « le premier livre du reste de ma vie ».

Car depuis un peu plus d’un an, ma vie et par ricochet ma façon d’écrire ont énormément changé.
Je n’ai pas compris tout de suite que c’était en train d’arriver.

Ça vous rappelle un truc ?

Tout à commencé là, au cours de la soirée à la patinoire, le 11 Janvier 2020, dont je vous parlais d’ailleurs avec enthousiasme ici même.

J’ignorais complètement que j’en ramènerais autre chose que de merveilleux souvenirs, de jolies photos et un mal de dos coriace (mais prévu d’avance).
Environ dix jours plus tard, je me retrouvais malade à crever. Ouais bon, je chope tout ce qui traîne, on a pensé grippe. Un peu violente la grippe quand même, et très différente de d’habitude, ça ressemblait plutôt à la pneumopathie que j’avais faite à seize ans… Ça a duré à peu près deux semaines. J’étais KO. Je ne faisais pas grand-chose à part dormir.

Le plus dur est passé. J’ai continué à tousser, à être à côté de mes grolles, mais comme je me suis retrouvé avec une trad à faire en urgence, je me suis blindé de médocs. Je toussais toujours, mais mettais ma non-récupération sur le compte de la fatigue. J’ai fait Reverze début Mars. Mon corps a pas aimé. Il faisait froid, je toussais toujours, le Covid s’était largement répandu et on avait ignoré jusqu’au bout si le festival serait maintenu. Je tremblais de le choper par dessus « ma merde chelou qui traîne ». La semaine suivante, c’était le premier confinement.

L’angoisse. Les médocs. Les crises de douleur, comme d’hab’. Animal Crossing pour oublier le monde réel et cette foutue toux de plus en plus fatigante.

Mai. Première grosse crise de détresse respiratoire, survenue de nulle part, pendant le live twitch d’un ami DJ. J’ai cru que j’allais crever. On a hésité à appeler le SAMU. Je savais que s’ils venaient, je me retrouvais à l’hosto. Impossible. J’ai déjà parlé des galères vis à vis de mon handicap et de mes accompagnants avec le personnel soignant. Éclair de lucidité. Vieil inhalateur de Ventoline. Pas miraculeux, mais assez pour respirer, juste un peu. On a appelé le doc ensuite, quand même. Mais puisque c’était « fini »…

L’été est passé sans véritable amélioration. Les crises, il y en a eu d’autres. Beaucoup. Je toussais toujours à cause de « la merde chelou qui traîne ». Comme mes crises de douleur sont un peu atténuées l’été, je prenais moins de médocs : j’ai pris conscience de plein fouet de l’ampleur de mes douleurs thoraciques, accentuées par les épisodes de détresse respiratoire. Forcément, quand tu tousses toute la journée, ça épuise… J’ai également mis mon essoufflement, mes palpitations et la fatigue sur le compte de la toux.

Septembre. Un peu partout, des voix s’élèvent. Mentionnent des symptômes identiques aux miens. Je ne veux pas y croire. C’est impossible. Pas en Janvier, à un moment où je ne savais même pas encore que le virus existait. Pas lors de ma SEULE sortie du mois. En tout et pour tout, quatre heures dehors.
Et pourtant. Il aura suffi de ces quatre heures-là. Plus tard, j’apprendrai que le virus circulait depuis DECEMBRE à Nantes. Soit depuis un mois.
J’en parle avec un ami. Qui m’avoue souffrir des mêmes symptômes depuis fin Mars. Après avoir été malade à crever pendant une dizaine de jours, à peu près une semaine après Reverze. Son train était blindé. Il avait fait escale là où se trouvait le plus gros cluster du moment…
C’est là que je réalise de l’ampleur du truc. Pas seulement de ce qui m’arrive, mais du nombre de gens qui, comme nous, font partie de ce que j’appelle la « vague zéro », ceux que personne n’a pensé à tester parce qu’on ne parlait tout simplement pas encore du virus et que les tests en question n’existaient pas.
On est seuls. Contrairement aux gens ayant été « certifiés positifs », on ne fait pas partie des malades officiels. Quand j’ai demandé une sérologie au doc en Septembre, il m’a dit que c’était déjà trop tard, qu’on ne verrait plus rien dessus. Certaines des infirmières de ma mère le confirmaient, d’autres disaient le contraire. J’ai passé des radios et fait un bilan sanguin, qui, sans surprise, apparaissent normaux, comme pour beaucoup de malades covid longs « confirmés ». Mon doc l’a dit, deux des standardistes de SOS médecin et un SOS médecin lui-même l’ont dit, les infirmières l’ont dit, le doc de mon pote l’a dit : on est dans le flou total. Tout le monde avance à tâtons.

Aujourd’hui, après l’avoir longtemps appelé « la merde chelou qui traîne », d’abord par ignorance sincère, puis dans le doute malgré les soupçons, après en avoir eu confirmation implicite, à défaut de pouvoir obtenir des preuves car il est trop tard pour ça, je me décide enfin à appeler un chat un chat : je suis en Covid long depuis fin Janvier 2020.

Je n’ai plus peur d’en parler.
Pas quand j’ai une FUCKING PNEUMOPATHIE comme point de comparaison.
Pour info la pneumopathie en question ça s’était réglé en deux mois et je n’en ai gardé pour seule séquelle qu’une légère perte de souffle de rien du tout. A côté de « ma merde chelou », C’ÉTAIT DU PIPI DE CHAT MES COCOS.

Après une succession d’épisodes en dents de scie, en février, j’en étais au même point qu’en Mai. C’est là que j’ai compris que c’est loin d’être fini.

Que cette situation, vécue jusque-là comme temporaire, avec un certain pragmatisme, parce que bon, en tant que malade chronique j’ai l’habitude de gérer/subir les merdouillages de ma carcasse, devait, à défaut de « définitive » parce-que-restons-optimistes-que-diable, au moins être considérée comme « longue durée ».

Retour au sujet principal de cet article.

Autant le dire tout net : je ne peux pour ainsi dire plus écrire. Plus comme avant. Je ne peux plus rien faire comme avant. A ce jour, un an et trois mois après la phase de maladie « agressive », je souffre d’une toux persistante, de douleurs thoraciques, d’un essoufflement constant, de fatigue extrême. Depuis peu s’y ajoute une douleur dans la poitrine qui n’alarme pas le doc, du moins pas pour le moment, mais se révèle hyper gênante. Quant à Cerveau, il a abandonné le navire depuis longtemps. Quelle que soit l’activité, au bout de deux heures max, il décroche. Les longues soirées de lecture ou les aprems jeu vidéo, c’est terminé. Vous vous en doutez, l’écriture aussi est concernée.

Je devais déjà composer avec mes douleurs chroniques. L’époque des huit à seize heures d’écriture quotidiennes était terminée depuis longtemps. Je commençais tout juste à l’accepter.
Cette fois, je n’ai pas eu à « accepter » ma perte supplémentaire de capacités : quand ton état se détériore au point où un truc aussi con que vaporiser tes plantes te met dans le même état que si tu avais couru un marathon entier, même si écrire représente toute ta vie, tu n’as juste plus l’énergie pour tirer sur une corde déjà bien amochée. Aussi bien physiquement que cérébralement parlant, ça ne suit plus.

Concrètement, ça veut dire quoi ?
Que je ne suis actuellement pas en état de boucler correctement mes « bons » projets (comprenez Black Phoenix et Witched). Ce n’est pas une question de temps, mais bien de capacité à trouver les mots, les tournures de phrases. Je pose des trucs sur le papier, mais Cerveau ne suit plus. Imaginez un pâtissier spécialisé dans les montages vertigineux et tout en équilibre, dont les mains deviendraient soudainement tremblantes : vous avez saisi l’idée.

Ça ne veut pas dire que j’ai arrêté d’écrire. C’est un besoin viscéral (poke Môssieur Drama-sio). Même si Carcasse et Cerveau me mettent sérieusement des bâtons dans les roues, encore plus qu’avant, quand je suis à peu près (plus ou moins…) en état, j’écris.
Mais c’est plus la même chose.
Y’a toujours les mêmes ingrédients. Je n’ai pas changé ma recette préférée, en revanche, c’est dans le l’exécution que ça a changé. Comme si j’étais redevenu un petit stagiaire de troisième qui apprend à faire son premier croissant.

L’an passé, j’ai travaillé sur The Last Sorceress et Le mercenaire de l’ombre précisément pour cette raison : il s’agit de vieux projets ayant de toutes façons besoin de rafistolage, que je ne suis pas certain de sortir un jour et de toutes façons pas avant longtemps.

Ce mois-ci, à l’occasion du Camp NaNoWriMo, j’ai entamé un nouveau roman.
J’ignore encore si celui-ci est viable. Dans tous les cas, j’ai l’intention de le sortir si j’arrive à le finir, car il y a des chances que ce projet représente ce que sera ma plume à moyen terme.

Ça fait plus d’un an, maintenant. Je ne peux pas me permettre de végéter là en espérant récupérer mes capacités pour finir au moins mes deux meilleurs bouquins. Ça n’est plus pareil, eh bien tant pis, faisons avec et essayons de pondre un truc cool quand même. S’il y a un truc que j’ai appris en tant que malade chronique et ce, bien avant le Covid (oui, je dis « le », et j’emmerde les fossiles de l’Académie Française), c’est que regretter ce qui a été perdu revient souvent à gaspiller encore plus de temps. A l’heure actuelle, je n’ai pas la moindre foutue idée de comment mon état va évoluer.

Ça me fait chier de taper ces lignes. De dire à mes lecteurs « ouiiii, vous savez, ces deux bouquins que je vous tease depuis des plombes et qui sont presque finis ? Eh bah je sais pas si je pourrai vous les sortir ». Mais je refuse surtout de les torpiller. Ça ne fait qu’un an, après tout. Je ne ressens pas (encore ?) le besoin de me précipiter pour les boucler avec deux bouts de scotch et du sparadrap. Black Phoenix en est à 80~85% et c’est précisément la raison pour laquelle je ne m’inquiète pas à son sujet. Si besoin était, je vous le finirais, même si ce devait être « comme je pourrais ». Celui-là plus qu’aucun autre, car je tiens à ces persos, je crois de tout mon cœur en ce bouquin et en cette bande de copains, je sais qu’il est BON, et croyez-moi, j’ai rarement confiance en mon taf, mes proches pourront vous le confirmer x)

Pour le reste ? On verra bien.
Les palpitations m’obligent à lever le pied sur les opiacés, quand ton cœur déconne à balle t’as pas trop envie de rajouter un Tramadol (qui te le transforme en cheval de course d’habitude) par dessus. Donc, oui, j’écris ENCORE MOINS. Là, j’ai tenté le NaNo d’Avril parce que c’est le plus facile, je pense atteindre mes 8000 mots (je suis actuellement à 5,9k), mais globalement, j’essaie de faire un peu gaffe à moi. Si le dos douille trop et que le cœur déconne => repos, puisque sans cachet, impossible de se concentrer. Si je tousse trop ou que j’ai trop mal aux poumons => repos forcé. Si Cerveau est aux fraises => repos, quand t’as les neurones en confiture, ton texte ressemble vachement à de la bouillie informe.

J’ai également énormément réduit le temps que je passe sur le blog (ça ne se voit pas côté lecteurs, mais je le gère différemment). Retouche moins de photos. Bref, tout avance au ralenti, parce que je ne peux de toutes façons pas faire autrement.

Voilà.
J’avais envie d’en parler.
Histoire de mettre les choses au clair, de faire preuve d’un peu de transparence envers les lecteurs fidèles qui sont là depuis le début.
Et si jamais la lecture de cet article pouvait déclencher un « tilt » chez un Covid long qui s’ignore encore, alors je n’aurai pas tapé tout ça pour rien.
Pour les autres, protégez-vous, protégez vos proches, gardez vos masques et si vous pouvez, faites-vous vacciner. Cette merde n’est pas une simple grippe, elle ne tue pas tout le monde c’est vrai, ne laisse pas toujours de traces, mais quand elle le fait, crois-moi, t’en chies un max et tu ne souhaites ça à personne.

De la part de quelqu’un qui n’est même plus capable de faire son lit lui-même,

Prenez soin de vous.

About the author

Svet Mori
Auteur de romance fantasy et paranormal romance, photographe, brodeur, buveur de Monster. Au service et à la merci d'une lapine bouffeuse de futals nommée Myrtille, collectionne entre autres les livres, les dolls et la poussière.

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